par Azzedine Kaamil
Ce texte constitue le premier volet d'un diptyque consacré à la faillite morale et politique de l'ordre international face à Gaza.
Il dénonce l'effondrement idéologique de l'Occident collectif, incapable de faire face à l'évidence d'un génocide.
Un second rapport, à paraître prochainement, exposera en détail la complicité active des monarchies du Golfe dans la destruction de Gaza, à travers leurs alliances sécuritaires, leurs soutiens économiques et leur silence diplomatique.
Il ne s'agit pas seulement d'un silence : il s'agit d'une collaboration structurée, maquillée en neutralité. Ce qui est tu, ne peut plus être ignoré.
*
Chronique d'une trahison : Gaza et la fin des droits de l'homme (2023-2025)
Table des matières
- Préambule - Une rupture mondiale
- Avant le 7 octobre : les avertissements ignorés
- L'après 7 octobre : adhésion, cécité, inversion
- Implosion intérieure : la société sioniste face à son propre gouffre
- Ce que Gaza révèle au monde
- Conclusion - L'Occident face à lui-même
- Encadré final - À l'usage des peuples lucides
1. Préambule - Une rupture mondiale
«Les idéologies tombent les unes après les autres. L'illusion la plus tenace, celle d'un progrès moral de l'Occident, s'effondre à son tour».
Gaza est devenu le mètre étalon de l'horreur contemporaine. Un révélateur sans précédent. Un test moral que l'Occident a spectaculairement échoué.
Ce n'est plus seulement la Palestine qui brûle : c'est l'idée même que le monde «libre» puisse encore incarner autre chose qu'un cynisme maquillé en vertu.
Il s'agit de comprendre ce que Gaza dit du monde, et surtout de ceux qui prétendent le diriger au nom de la démocratie et des droits de l'homme.
2. Avant le 7 octobre : les avertissements ignorés
Bien avant le 7 octobre, la Palestine hurlait. Mais personne n'écoutait.
Pendant un an, de mars 2018 à fin 2019, chaque vendredi, des milliers de Palestiniens se sont rassemblés à la frontière de Gaza pour une mobilisation pacifique historique : la Marche du retour. L'objectif était clair : revendiquer le droit au retour sur les terres volées, et briser le blocus inhumain qui écrasait l'enclave.
La réponse israélienne fut d'une brutalité assumée : plus de 220 morts, des milliers de blessés - dont une majorité par tirs réels visant à mutiler. Des journalistes, des enfants, des personnels médicaux. Le tout sous les yeux des caméras, sans qu'aucune sanction ne vienne.
Ces massacres méthodiques ont été avalés dans le silence international. Pire : ils ont été normalisés, justifiés au nom de la «sécurité» de l'Entité israélienne. À cette époque déjà, le masque humaniste de l'Occident commençait à se fissurer.
3. L'après 7 octobre : adhésion, cécité, inversion
«On n'exige plus que les bombes cessent. On exige que les victimes se taisent».
Le 7 octobre 2023, c'est la révolte, le Hamas attaque le sud de l'Entité sioniste. L'événement, brutal, spectaculaire, suscite une onde de choc. Très vite, l'Occident bascule : non dans la nuance, ni la compréhension historique, mais dans l'alignement total, l'allégeance inconditionnelle.
L'émotion suscitée par les morts de l'Entité israélienne devient le prétexte d'un chèque en blanc. Et pendant ce temps, Gaza brûle - sous les acclamations feutrées des chancelleries.
Les médias mainstream se transforment en inquisition moderne :
«Abjurez-vous le Hamas ? Condamnez-vous les attaques terroristes ?»
Sous peine d'excommunication, les voix critiques sont étouffées, les tribunes censurées, les carrières brisées.
Et pendant ce temps, la figure de Netanyahou, héritier de Jabotinsky et du kahanisme, devient le héros du front civilisationnel. L'Occident, autrefois fier de ses droits de l'homme, se rallie à un chef de gouvernement messianique, poursuivi pour Crimes de guerre et Crimes contre l'humanité.
«Il y a presque vingt ans, Hugo Chávez, prenant la parole à la tribune des Nations unies juste après un discours de George W. Bush, lança devant l'assemblée : «Hier, le diable est venu ici. Ça sent encore le soufre». Aujourd'hui, alors que Netanyahou - criminel de guerre en campagne permanente - s'exprime à l'ONU comme en territoire conquis, c'est ce même soufre qui imprègne l'air. Mais nul ne semble vouloir aérer la pièce. Le diable ne dérange plus, il siège».
4. Implosion intérieure : la société sioniste face à son propre gouffre
«Ce qui s'effondre à Gaza n'est pas seulement du béton, mais l'idée même que l'Entité israélienne puisse être une démocratie en guerre».
Le 7 octobre n'a pas seulement déclenché une guerre : il a révélé une implosion interne de l'Entité israélienne. Sous l'unité apparente, les fractures sont béantes :
- entre le gouvernement et l'armée,
- entre la droite libérale et l'extrême droite,
- entre ultra-religieux et laïcs,
- entre les élites sécuritaires et la caste messianique au pouvoir.
Mobilisations contre la réforme judiciaire, rébellion de réservistes, appels à la démission de Netanyahou... Tout indique un effondrement de la légitimité interne.
Et pourtant, l'Occident resserre ses liens. Comme si plus l'Entité israélienne s'enfonçait dans l'autoritarisme, plus l'Occident devait s'y reconnaître.
Pour une analyse approfondie de cette dynamique, voir notre rapport précédent : «Guerre sans issue - Israël face au choc prolongé de Gaza (2023-2025)».
5. Ce que Gaza révèle au monde
«On ne juge pas une civilisation à ses discours, mais à ce qu'elle tolère en silence».
Gaza révèle le vrai visage de l'Occident : un masque tombé. Derrière, rien ! Ni morale, ni mémoire, ni humanité.
Au XXe siècle, les armées alliées forcèrent les civils à regarder les camps de concentration. À constater l'horreur. À ne plus pouvoir dire «je ne savais pas».
En ce début du XXIe siècle, nul besoin de se déplacer : tout est visible, en direct, en haute définition. Et pourtant, le silence domine.
Pire encore : une part de la population de l'Entité israélienne participe activement au spectacle de la destruction. Après le 7 octobre, des familles israéliennes se rendaient dans le sud chaque soir pour admirer les bombardements sur Gaza, comme un feu d'artifice. Aujourd'hui, ce sont ces mêmes civils - hommes, femmes, enfants - qui bloquent l'entrée de l'aide humanitaire, pillent les camions à Kerem Shalom, et empêchent sciemment la survie d'un peuple affamé.
La famine bat son plein. Le génocide se poursuit et l'Occident regarde ailleurs.
«Tout est calme à Gaza, il n'y a que des morts». ~ Mahmoud Darwich
6. Conclusion - L'Occident face à lui-même
«Il n'y a pas de plus grand mal que celui qui se pare de vertu».
La guerre contre Gaza n'est pas seulement un crime : c'est un révélateur de la faillite morale de l'Occident.
Le mythe de la démocratie libérale, des droits universels, du progrès moral - tout cela s'effondre dans le sang et le silence. Gaza n'est pas une anomalie : c'est la vérité crue d'un système qui ne survit plus que par le mensonge.
Les institutions internationales sont mortes. Les chartes sont violées. Le droit est devenu un outil de domination.
Ce n'est pas l'axe du mal qui a gagné. C'est l'axe du vide qui a tout englouti.
7. Encadré final : À l'usage des peuples lucides
Ce texte ne s'adresse pas aux chancelleries. Ni aux rédactions. Il ne cherche pas à convaincre les élites, les diplomaties ou les organes de propagande.
Il s'adresse aux peuples. Aux consciences lucides. Aux témoins silencieux qui refusent d'être complices.
Il s'adresse à ceux qui refusent de détourner le regard. À ceux qui savent que Gaza, ce n'est pas un «conflit», mais le nom propre du mensonge occidental.
Ce rapport n'est pas une alarme : c'est un acte de mémoire vive. Ce que nous écrivons aujourd'hui, d'autres le liront demain. Et jugeront.
Note de fin
Ce rapport appelle une suite.
À l'aveuglement volontaire de l'Occident s'ajoute une autre trahison, plus discrète mais non moins décisive : celle des monarchies du Golfe, qui ont normalisé l'anéantissement de Gaza par leur inaction calculée, leur collaboration stratégique et leur soumission aux impératifs de l'Entité israélienne.
Cette complicité arabe fera l'objet du second volet de cette enquête, à paraître prochainement : «L'or noir, le sang et le silence doré : Complicité active des monarchies du Golfe et le génocide de Gaza (2023-2025)»